Un article Courbevoie.eco.
La direction de l’attractivité territoriale de Courbevoie prolonge le focus sur l’IA amorcé dans son magazine en juin.
Retrouvez ici ce numéro de Courbevoie.eco : “L'avenir orienté IA”.
Le Catalyseur de l’innovation Paris Ouest La Défense a organisé avant l’été une Learning Expedition des Numersives (mise en réseau des lieux d’innovation) chez Cap Digital. L’occasion pour ce pôle de compétitivité et de transformation numérique de revenir sur les défis posés par la souveraineté numérique.
Comment peut-on garantir une IA éthique et durable ? Dans quelle mesure est-elle un levier pour l’économie du savoir, tout en garantissant nos libertés et en servant l’intérêt général ? Autrement dit, une IA des Lumières est-elle envisageable, voire possible ?
L'IA des Lumières
À l’occasion du Sommet pour l’action sur l’IA en février 2025, Cap Digital a publié un rapport intitulé "L’IA des Lumières", porté par l’ancien directeur scientifique de l’Institut Mines-Télécom, d’Orange et du CNRS Francis Jutand.
Il dresse à la fois un état des lieux des transformations sociétales permises par l’IA - particulièrement l’IA générative - et creuse le sillon d’une intelligence artificielle européenne au service du bien commun, où innovation et responsabilité s’allient pour renouer avec la compétitivité. Du haut de ses 92 pages, cet ouvrage ambitionne d’éclairer les décisions stratégiques en matière d’IA, en plaçant la souveraineté au cœur des débats.
Des outils permettant un horizon éthique pour l’IA
À travers 13 recommandations destinées à des décideurs publics comme privés, ce rapport s’articule avec la stratégie nationale existante et les enseignements du rapport Draghi de septembre 2024 sur l’avenir de la compétitivité européenne.
Pour Antoine Allard, délégué à l’animation, la communication et aux connaissances chez Cap Digital, “ces propositions sont autant d’actions concrètes associées à des objectifs de compétitivité et de mutualisation, qui visent à faire émerger une IA à l’européenne reposant sur des valeurs d’éthique, de durabilité, de responsabilité, de foi en la science et d’innovation comme moteur de progrès social, environnemental et économique”. Une vision prospectiviste qui entend ainsi associer les valeurs progressistes portées par les Lumières du XVIIIème siècle*, à celles du XXIème siècle.

De quoi rester dans la course aux avancées technologiques mais pas à n’importe quel prix. Et pour cause : “l’IA représente une véritable rupture sociétale, en cela qu’elle questionne les équilibres et notre capacité humaine à affronter la complexité du monde numérique”, précise A. Allard. Selon lui, “avec les IA génératives, on a réussi à synthétiser le langage, apanage de l’intelligence humaine, et donc à produire du sens. C’est notamment cette magie opératoire qui alimente les imaginaires autour d’une vision dystopique, voire apocalyptique de l’IA, alors qu’elle repose au fond sur des probabilités statistiques. Or c’est bien nous, humains, qui entraînons ces machines et plutôt que de s’en méfier, il s’agit surtout d’interroger les usages que nous en faisons”.
Mobiliser les ressources françaises et européennes
Aussi, pour cesser d’opposer la menace et l’opportunité, le rapport décline toute une série de mesures qui préconisent une approche coopérative et mutualisée, construite dans un cadre économique ouvert et responsable. Parmi elles :
- la création d’une Alliance des parties prenantes de la filière IA,
- l’émergence de clouds de confiance et d’IA génératives de bien commun destinées à la culture, la santé ou l’éducation,
- l’organisation de challenges de R&D public-privé pour accélérer l’offre de solutions IA,
- la mise en place de mécanismes fiscaux pour faciliter le financement vertueux par les entreprises utilisatrices,
- ou encore l’acculturation des entreprises (notamment PME et ETI) aux potentiels de l’IA.
Surtout, le rapport pointe les atouts de l’Europe pour sortir d’une société presque vassalisée à la Chine et aux Etats-Unis, dans un contexte où les grandes puissances technologiques façonnent le paysage numérique mondial.
En effet, pour Francis Jutand, “l’urgence d’agir n’a jamais été aussi forte qu’en ce moment où les grandes plateformes, fortes de leur avance et de leur puissance, viennent contester et contourner la régulation mise en place par l’Europe”. Un constat partagé par Antoine Allard, qui ajoute : “L’UE est un espace réglementé et là où le RGPD est aujourd’hui devenu une norme vertueuse, nous sommes persuadés que la mise en œuvre de l’AI Act en deviendra une autre à l’avenir. C’est en proposant la labellisation d’un espace européen souverain et transparent que l’IA des Lumières joue son rôle dans la lutte contre l’oligarchie menée par une dizaine d’acteurs dominants qui se partagent le marché mondial de la tech”.
Si l’Europe bénéficie de quelques pépites comme l’entreprise française Mistral AI - désormais valorisée à 12 milliards d’euros-, le vieux continent accuse néanmoins un retard certain en matière d’innovation et de compétitivité. En cause notamment, le manque d’investissement en R&D durant ces trente dernières décennies de la part de grandes entreprises privées qui sont loin d’être digital natives.
Pour Cap Digital, l’IA des Lumières entend donner aux citoyens les moyens de renouer avec un développement économique qui garantit à la fois le progrès social et les émancipations individuelles et collectives, dans une démarche responsable et durable.
* Le Siècle des Lumières traduit un mouvement philosophique, culturel et littéraire qui domina le monde des idées dans l’Europe du XVIIIème siècle.